– 12 avril 2023 –

En février dernier, nous rappelions ici, dans cette tribune, combien la République française n’est pas qu’une architecture politique, de pouvoirs et de compétences d’institutions. Elle est aussi le fruit des luttes de toutes celles et de tous ceux qui nous ont précédés et qui finalement ont imposé la démocratie et quelques valeurs cardinales, inscrites au fronton de nos bâtiments publics et dans notre Constitution, et qui doivent être respectées.

Depuis janvier, un mouvement social d’une ampleur rare s’est pacifiquement développé sous l’impulsion et l’encadrement des principales organisations syndicales de travailleurs unies. Souvent raillées en France et ailleurs dans le monde par leur faiblesse numérique, mises en cause fréquemment dans leur représentativité par experts et autres commentateurs, les organisations syndicales françaises ont démontré une capacité d’action et de mobilisation commune qui frappe par sa force calme et sa détermination inébranlable.

De proche en proche, tous les secteurs d’activités sont touchés. En écho et en soutien au mouvement social, le Conseil municipal de Créteil de son côté a adopté le 13 février 2023 la motion « Retraites : une réforme injuste et brutale ».

Le pouvoir exécutif, qui pensait se jouer aisément du Parlement comme des forces sociales, se révèle nu et impuissant. Certes, avec le concours peu avouable d’une partie de la droite parlementaire, le projet de loi initial a été voté, moyennant ici et là quelques accommodements. Certes, l’opposition politique n’est pas parvenue non plus à enrayer durablement l’action gouvernementale par une majorité en faveur d’une motion de censure à l’Assemblée nationale. Mais il s’en est fallu de bien peu…

Comme on le sait, la roche Tarpéienne est proche du Capitole. La sagesse devrait prémunir contre la suffisance et l’arrogance nées d’une réélection à l’élection présidentielle, aussi enivrante soit-elle.

Face aux basses manœuvres, la cohésion du mouvement social demeure intacte. Cette loi, reportant l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans et ses nouvelles modalités, doit être retirée. Pacifique et sans emphase, mais avec une volonté imperturbable, l’intersyndicale appelle à de nouvelles journées de mobilisation. La bataille doit continuer, en dépit des difficultés et de la complexité des procédures à mettre en œuvre. Jusqu’ici, ce mouvement réussit car il n’est ni dans la posture ni dans l’excès. Il affirme fortement dans les défilés et les manifestations comme dans toutes les enquêtes une opinion résolue, ferme, mais sans violence. Cette « force tranquille » est la condition même de son succès.

Ce mouvement social, ainsi conduit magistralement par les organisations syndicales représentatives unies, doit être aussi pour les forces politiques une inspiration : inutile de brailler, ici et là. Il est plus important de convaincre calmement, par l’action efficace et par l’argumentation raisonnée, pour gagner dans la durée la confiance et l’estime des Françaises et des Français. Sans se hâter mais résolument, il faut préparer et construire aujourd’hui l’alternative raisonnable et de progrès pour demain.

Ce billet a été initialement publié dans le numéro d’avril 2023 de Vivre Ensemble, le magazine municipal de la ville de Créteil.