– 2 février 2022 –
Comme le rappelait il y a quelques jours à Davos le Secrétaire général des Nations-Unies, le monde est « dans un triste état » en raison « d’une myriade de défis et de problèmes interdépendants ». Dans ce contexte général très inquiétant, attaché exclusivement à l’idée de modifier les conditions de départ en retraite des travailleurs actifs, ce qu’il n’était pas parvenu à faire au cours de son premier mandat, le Président de la République a décidé de mettre à l’ordre du jour une « réforme » que les Français massivement rejettent.
En dépit d’une récession économique qui pointe, d’une inflation qui explose et de la guerre sur le sol européen, le gouvernement sur injonction présidentielle s’attelle donc prioritairement à une prétendue « réforme des retraites » qu’il entend imposer par la voie législative, une fois de plus à coup de 49.3 !
Des objectifs contestables
L’argument majeur pour justifier cette « réforme » est un déficit à venir du système à l’horizon 2030 de 13,5 milliards, alors même qu’il était excédentaire ces dernières années. Le Conseil d’orientation des retraites – organisme public rattaché aux services du Premier ministre – indique pourtant, dans son dernier rapport annuel publié en septembre 2022, que ce déficit à venir est parfaitement absorbable, sans modifier pour autant la structure globale du système.
En revanche, la France a besoin d’améliorer sensiblement le taux d’emploi des travailleurs de plus de 55 ans, un des plus faibles d’Europe, ce qui permettrait d’améliorer encore l’équilibre actuel de l’ensemble du système. Mais cela suppose la prise en compte de la spécificité de cette catégorie particulière de travailleurs, en termes de formation comme de conditions et de temps de travail. Il y a là un champ de négociations collectives certain qu’un gouvernement responsable devrait privilégier.
Une méthode inacceptable
Inquiètes depuis des mois de voir l’idée fixe présidentielle se concrétiser, les organisations syndicales représentatives ont dit, à de multiples reprises, leur commune opposition à une « réforme » que rien ne justifie vraiment. Pour leur part, les mouvements et partis politique de gauche n’ont pas dit autre chose. Pour réduire encore le débat, public comme parlementaire, le gouvernement entend faire adopter cela via un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) qui autorisera sans peine l’usage par le gouvernement du fameux article 49.3 de la Constitution.
Cette volonté de passage en force, sans tenir compte des réserves et des oppositions, est dangereuse pour notre démocratie. Emmanuel Macron a été réélu président de la République pour cinq ans en 2022, c’est incontestable. Mais une bonne part de ses électeurs du second tour ne se sont ralliés à lui que pour éviter l’aventure – qu’ils savent dangereuse – de la droite extrême incarnée par Marine Le Pen, sûrement pas pour une « réforme des retraites » qu’ils ne souhaitent pas.
Tout cela peut sembler loin de Créteil, mais cela nous affecte toutes et tous. Nous sommes citoyens d’ici, mais aussi citoyens français et engagés plus largement dans le monde. S’opposer aujourd’hui à ce projet, c’est refuser une logique de guerre sociale et, à l’inverse, contribuer concrètement à la volonté de vivre tous ensemble, dans la dignité, qui que l’on soit, quel que soit l’âge, et d’où que l’on vienne.
Ce billet a été initialement publié dans le numéro de février 2023 de Vivre Ensemble, le magazine municipal de la ville de Créteil.