Quelques enjeux des élections européennes dans un monde nouveau

Quelques enjeux des élections européennes dans un monde nouveau
9 mars 2024 jojo23

– 5 mars 2024 –

Le projet d’union des peuples et des Etats européens est un projet qui s’inscrit dans un temps long à l’échelle individuelle humaine, même si les réalisations depuis la fin de la Seconde guerre mondiale sont finalement modestes à l’échelle de l’anthropocène.

A l’aube de 2024, dans la perspective d’un nouveau mandat pour le Parlement européen, d’un nouveau collège pour la Commission européenne et d’un nouveau Président pour le Conseil européen, dans un monde qui change rapidement et profondément, l’Union européenne telle qu’elle existe et fonctionne aujourd’hui doit s’adapter vite et avec détermination.

Un environnement géopolitique en profonde mutation dans lequel l’UE doit être unie et active

Où que l’on se tourne, l’équilibre des puissances issu de la fin de la Seconde guerre mondiale, puis de la Guerre froide qui a suivi, est désormais loin derrière nous. L’Union européenne, issue de la Guerre froide, ne peut pas demeurer hors ce jeu de forces et de puissances en mutation qui anime aujourd’hui le monde.

Les Etats-Unis apparaissaient au cours des années 90 et 2000 comme les maîtres du monde, certains parlant alors « d’hyperpuissance ». Ce leadership est aujourd’hui – sérieusement, visiblement, et sans doute durablement – mis en cause. Refusant de se limiter au rôle de grand atelier du monde, la République populaire de Chine affirme peu-à-peu et avec méthode sa puissance économique, mais aussi militaire, et son influence dans les affaires du monde. Ses voisins immédiats, qui subissent directement cette montée en puissance, développent en conséquence, suivant leurs atouts ou leurs points de faiblesse, des stratégies différenciées envers leur puissant voisin.

Mais – comme nous le demandent nos alliés américains – se focaliser sur la seule Chine est sans doute une erreur. Les dernières années voient aussi de nombreux Etats prétendre à un rôle régional, voire davantage. Cela rend les relations internationales moins prévisibles et plus fluides. Plus dangereuses aussi parfois, conséquence directe de ce caractère peu prévisible et soudain.

Dans ce monde beaucoup plus multipolaire qu’au cours de la période précédente, il faut souligner l’importance et la force de coalitions au périmètre varié. Les Européens, aussi unis que possible, ne doivent pas craindre ces coalitions, ne pas toujours y voir la main maligne de la Chine ou de la Russie, mais être capables de les analyser précisément. Il faut prendre en compte et regarder en face la perception hors d’Europe de ces deux pays. Si l’on en croit une enquête récente (1), la présence de la Chine comme partenaire économique et investisseur est perçu dans nombre de pays, hors les pays européens, plus comme une opportunité pour leur développement que comme un danger. Il faut entendre que la plupart des Etats refusent désormais la logique bipolaire où deux camps à l’échelle mondiale s’affrontent. Ils souhaitent construire des coopérations ou des alliances librement, en fonction des thèmes, « à la carte ». La guerre en Ukraine a, de ce point de vue, donné un signal très clair. Les Etats européens et les Etats-Unis d’Amérique comptaient sur une condamnation forte et sans équivoque de l’agression russe par des Etats qu’ils jugeaient « alliés ». Ils durent constater, dès mars 2022 et dans l’enceinte des Nations-Unies, que cela n’avait rien d’évident. L’opinion publique dans de nombreux pays ne souhaite pas être entraînée dans une guerre, perçue comme européenne et expression de la vieille rivalité entre les Etats-Unis et la Russie.

Dans ce monde en profonde mutation, conséquence aussi du conflit ukrainien, l’Union européenne apparaît comme une entité fragile, pas nécessairement pérenne. Suivant la dernière enquête de l’ECFR déjà citée, quatre personnes sur dix hors de l’Europe pensent que l’UE va disparaître dans les 20 ans qui viennent !

Les grands groupes économiques d’intérêts privés ont toujours contesté aux Etats leur primauté dans le système des relations internationales. Le système établi après 1945 avait cependant globalement limité leur rôle et leur influence, même si – on le sait – ils ont pesé à plusieurs reprises depuis cette date dans d’importants conflits et dans le changement de régimes dans divers endroits à travers le monde.

Nous sommes cependant dans une nouvelle phase où de puissants groupes privés transnationaux sont non seulement en mesure de peser sur les décisions et arbitrages au sein de certains Etats, mais davantage encore de contester leur rôle à tous. Le développement des technologies de l’information et de la communication et aujourd’hui du numérique en est un bel exemple. Pensons aussi à des champs encore peu explorés, notamment ceux de l’espace ou des pôles. De grands groupes y investissent, pour l’heure en coopération pour l’espace avec des agences spatiales publiques comme la NASA. Et demain ?

Sur l’ensemble de ces vastes questions géopolitiques et d’organisation internationale, l’Union européenne s’est incontestablement considérablement renforcée. La mise en place du Service européen pour l’action extérieure (SEAE / EEAS) a certes pris un peu de temps, la fonction de Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité a dû construire sa place, mais aujourd’hui cela fonctionne. Leurs interventions demeurent cependant toujours très « calibrées », et donc souvent (trop) prudentes, avec retard. Le rôle des Etats membres demeurent très important. Le chemin parcouru est donc conséquent, mais il doit être renforcé, plus fort et plus marquant.

Sans doute plus aisément, en tant qu’entité structurée dans le domaine économique et commerciale, dans ce monde « à la carte », l’Union européenne doit élargir ses alliances et leur portée. Son alliance militaire et de sécurité avec les Etats-Unis d’Amérique et le Canada ne doit pas lui interdire de développer ses partenariats propres et suivant ses propres intérêts. Les formes de ces partenariats ne doivent pas non plus être figées ni trop globaux, au-delà des accords de libre-échange. Il doit être évident aujourd’hui, ici et là dans le monde, que l’UE est une puissance en tant que telle – agissant suivant des procédures internes certes complexes – mais souveraine et indépendante dans les domaines que lui ont concédés ses Etats membres !

A dessein, nous n’avons pas abordé la dimension militaire. L’OURS a balayé dans sa complexité récemment l’ensemble du sujet dans Recherche socialiste (n°102-103, juin 2023). Avec le développement de la guerre en Ukraine, les Etats membres de l’Union et l’Union elle-même ne peuvent rester inactifs. Et cette action doit être pérenne et croissante. Cela concerne la base industrielle et technologique de défense, mais aussi une coordination plus effective dans l’organisation et l’action des forces. La République française, ses élus et ses acteurs administratifs et économiques doivent s’inscrire dans une telle démarche, sans regret, et assumer un rôle d’animateur plus fort encore, mais avec modestie et ténacité. Rude tâche sans doute, mais nécessaire pour l’influence demain de la France et de l’Europe.

Approfondir et élargir l’action interne de l’Union

La crise du Covid a démontré en quelques mois combien l’Union européenne était en mesure, alors qu’elle n’en avait nullement les compétences, d’apparaître comme la solution pour des autorités publiques nationales dépassées et, pour le grand public, comme une évidence. On mesure ici combien l’euroscepticisme est nourri par l’habitude et l’ignorance, souvent aussi par des administrations et responsables nationaux à l’horizon étroit. On perçoit aussi combien des situations soudaines, voire dramatiques, parviennent à bousculer cet ordre établi. En quelques mois, l’UE a mobilisé des fonds pour la recherche de vaccins et de nouveaux traitements, créé une réserve européenne de matériel médical et soutenu l’acquisition d’équipements médicaux, organisé des achats groupés d’équipements médicaux (masques, gants, lunettes, combinaisons, …), sécurisé les chaînes d’approvisionnements prioritaires, et surtout suspendu le Pacte de stabilité et de croissance et assoupli les règles en matière d’aides d’Etat.

On mesure sans doute encore mal l’impact réel et direct sur nos concitoyens et nous-mêmes de cette action de l’UE. Elle a mis en évidence les failles et les limites des traités européens qui nous régissent, tant pour les domaines concernés (ici la santé) que pour les procédures et règles (ici notamment celles de l’Union économique et monétaire) et pour les outils nécessaires (ici budgétaires). Elle souligne pour le grand public la nécessité d’un approfondissement de caractère fédéral de l’Union.

Par ailleurs, depuis 2019 et sous la houlette notamment du social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, alors premier vice-président de la Commission européenne, l’Union européenne s’est lancée dans une série d’initiatives dites « Pacte vert pour l’Europe », l’objectif étant de rendre l’UE climatiquement neutre en 2050. L’effort en cours est très important. Il s’agit d’un programme de transformation structurelle de nos économies, articulé à des programmes d’investissement conséquents (2). Nombreux sont ceux qui, à gauche notamment, lui reprochent sa modestie, son caractère « chèvre et chou ». C’est incontestablement un compromis qui tient compte des majorités politiques dans les Etats comme au Parlement européen. Pour qu’il soit approuvé, cela était politiquement nécessaire. On peut regretter aussi, compte-tenu du poids de l’industrie automobile et de ses emplois en Allemagne, mais aussi en France et dans beaucoup d’autres pays de l’UE, la difficulté de la décision concernant les moteurs thermiques, ou le report de date concernant l’interdiction du glyphosate. Mais que recherche-t-on : amener tout le monde à évoluer pour changer réellement les choses ou défendre une position de principe, sans compromis aucun et susceptible de déboucher sur une régression ?

Le vrai sujet politique aujourd’hui devant nous est d’obtenir la prolongation et l’approfondissement de cette volonté politique au cours des 5 ans qui viennent. Or, dans chacun des Etats – et d’abord en France – cela n’a rien d’évident. Cela suppose de changer complètement de perspective et de paradigme dans nombre de domaines. Prenons ainsi et par exemple l’agriculture et les industries agro-alimentaires (IAA). A la tête du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Stéphane Le Foll avait impulsé non sans difficultés pendant 5 ans cette mutation. L’administration suivante est revenue sur cette orientation, subissant la pression des IAA et d’un certain syndicalisme agricole. Outre l’industrie automobile déjà citée, il faut évoquer l’industrie chimique, le secteur de l’énergie avec de grands groupes français (Total, Engie, EDF, …), nos faibles capacités de production dans le secteur des énergies renouvelables et l’acceptation d’installations par les populations, la faiblesse de la rénovation thermique du bâti public et privé, etc….

La direction tracée, il s’agit aujourd’hui politiquement de réaliser pas-à-pas les objectifs définis, dans l’UE comme dans nos Etats. Nous en sommes loin.

Concernant l’UE, comme le fait remarquer très justement Céline Charveriat, ce « Pacte vert » est légalement faible. Il a été approuvé, non sans grincements, par les Etats et par le Parlement européen, mais il ne s’agit initialement que d’une Communication de la Commission qui donne cohérence à l’ensemble des dispositions et mesures qui, elles, sont plus régulièrement dans les procédures et règlements de l’UE. Il importe donc que la majorité politique issue des élections de juin 2024 porte cette orientation renforcée dans l’enceinte du prochain Parlement européen.

Il y a quelques mois, William Desmonts alertait l’opinion sur la situation européenne par un article qui soulignait notamment les incertitudes économiques qui pèsent sur l’ensemble des économies européennes (3). Sans mettre en cause la justesse du « Pacte vert » européen, il faisait remarquer l’importance de l’effort beaucoup plus conséquent en ce domaine des autorités américaines pour transformer leur économie à travers le paquet législatif Fit for 55 et l’Inflation Reduction Act.

Le problème pour l’UE, de façon plus générale, n’est pas tant celui de l’orientation des politiques que de sa capacité à prendre des décisions opportunes dans des délais parfois courts, et de maintenir dans la durée et avec les moyens adéquats la décision arrêtée.

Le prochain Parlement européen aura deux sujets essentiels à ce propos : la réforme du Pacte de stabilité et de croissance d’une part, les outils budgétaires de l’Union d’autre part. Concernant le premier, sa « suspension » avait finalement été acquise provisoirement avec la crise du COVID. Gardienne des traités existants, la Commission européenne demande le retour au texte des traités, et plusieurs Etats membres vont y être vigilants. Conséquence directe, les autorités françaises dessinent une trajectoire des finances publiques françaises qui s’inscrit dans ce contexte. Pourtant, compte-tenu des besoins colossaux de financement des collectivités territoriales, des Etats membres et de l’Union, le retour à la situation antérieure n’est pas envisageable. Il faut rediscuter, renégocier le Pacte de stabilité et de croissance et les traités, pour donner aux Etats comme à l’Union des outils, certes susceptibles d’être contrôlés régulièrement, mais qui fournissent les moyens d’assurer le développement et le progrès pour tous.

Oser la démocratie

L’Union européenne est confrontée à un agenda singulier. En interne, les autorités gouvernementales et les forces politiques en progression électorale de plusieurs Etats mettent explicitement en cause certains de ses principes fondamentaux, tandis que d’autres [dont nous sommes !] souhaitent qu’elle soit plus présente, plus visible et plus démocratique. Dans son voisinage immédiat, le Royaume-Uni a fait le choix de quitter l’Union dans le contexte que l’on sait, mais d’autres au Sud-Est et à l’Est des frontières de l’UE souhaitent la rejoindre, et vite.

Nous retrouvons l’équation de la fin des années 90 et du début des années 2000. Beaucoup alors ont opposé approfondissement interne versus l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO), comme on disait communément alors.

Dès cette époque, cette alternative n’en était pas une. Il fallait élargir, les circonstances historiques l’exigeaient. Songeons à ce que seraient devenus ces Etats s’ils n’avaient pas alors été arrimés à l’Union européenne ! Mais il fallait aussi, simultanément, approfondir, y compris pour mieux accueillir ces nouveaux Etats membres et ces nouveaux citoyens européens.

Nous sommes aujourd’hui dans une configuration historique – toutes choses égales par ailleurs – qui, elle aussi, nécessite et l’approfondissement et l’élargissement, même si les données concernant chacun des Etats candidats sont différentes et peuvent poser des difficultés non négligeables.

Posons tout d’abord la question de l’approfondissement. Au sein de beaucoup d’Etats membres, et pas seulement parmi les Etats d’Europe centrale, progressent électoralement et dans les opinions des forces et des idées qui refusent le transfert de nouvelles compétences à l’Union, voire qui souhaitent « renationaliser » certaines d’entre elles, notamment en matière de droits des citoyens, d’immigration, etc… Est désormais aussi mise en cause la prééminence du droit européen sur les droits nationaux, sans parler – cela concerne aussi le Royaume-Uni – du droit européen issu des textes et institutions mises en place par le Conseil de l’Europe (Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale qui y est attachée, Cour européenne des droits de l’homme, …).

Face à cette mise en cause des fondements de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, la bataille est politique, et il faut la conduire frontalement. Dans chacun de nos pays et au niveau de l’Union, les forces politiques pro-européennes doivent mener le combat politiquement et culturellement, sans crainte, face aux forces politiques ou aux gouvernements concernés. Plusieurs propositions sont soumises à débat pour protéger les principes fondamentaux et l’Etat de droit de l’UE et au sein de ses Etats membres (4). Les militants politiques et pro-européens doivent s’en saisir et les porter davantage dans le débat public pour briser la propagande nationaliste et populiste.

Concernant l’élargissement aux Etats issus de l’ex-Yougoslavie et l’Albanie, il y a de nombreux obstacles encore sur la route, mais il faut – enfin ! – affirmer clairement la perspective d’adhésion aux populations concernées !

En Europe orientale, après l’agression russe et la guerre qui se prolonge en Ukraine, se trouvent poser les candidatures de l’Ukraine et de la Moldavie.

Au cours des années 90, avec feu notre ami Emile Noël, nous avions évoqué (dans les publications de l’OURS ou du Centre Guy Mollet ?) la nécessité d’envisager plusieurs cercles avec, autour et dans ce qu’est aujourd’hui l’Union européenne. Cette approche indisposait alors beaucoup. Il semble cependant, pour tenir compte à la fois du désir de certains Etats de se limiter à quelques politiques, pour permettre à d’autres – qui sont encore loin sur le chemin d’une adhésion pleine et entière, avec toutes les contraintes économiques et réglementaires que cela suppose – qui désirent pourtant d’être adossés à une puissance économique protectrice, de créer plusieurs cercles dans et autour de l’Union.

La proposition en 2022 du Président Macron de la Communauté politique européenne (CPE / ECP), qui s’est depuis mise en place, va dans ce sens. Les douze experts franco-allemands dans leur rapport déjà cité vont encore plus loin dans ce sens, et ils proposent 4 cercles différenciés, utilisant les outils et le cadre de l’UE :

– Un cœur central, constitué d’Etats membres de l’UE intégrés au sein des zones Euro et Schengen, soucieux d’avancer ensemble pour différentes politiques (sécurité, climats, outils budgétaires, …) ;

– L’UE et ses Etats membres actuels ;

– Des membres associés, participant au marché unique européen et – pour certains – à quelques politiques dans le domaine de la justice, de la citoyenneté, etc …

– La Communauté politique européenne pour développer des convergences géopolitiques et une coopération politique plus étroite, avec des Etats membres du Conseil de l’Europe et signataires de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce travail de formalisation est utile. Il permet d’envisager des étapes de fédéralisation pour certaines politiques, comme nous l’avons déjà fait pour la monnaie avec la création de l’Euro. Mais il permet aussi à d’autres Etats de ne pas couper complètement avec l’UE dans un cadre plus souples. C’est le cas du Royaume-Uni, de la Suisse ou de l’Islande. Enfin, il organise autour de l’UE, et plus librement encore, une Communauté politique plus large, ouvrant à d’autres Etats la possibilité de bénéficier de programmes de soutien. Dans le contexte du moment, les Etats d’Europe orientale sont concernés, mais aussi demain d’autres dans le Caucase, la Turquie, la rive sud de la Méditerranée…

Les socialistes partout en Europe doivent se saisir de ce rapport, le discuter, en vue de la mise en place d’un véritable agenda qui allie le nécessaire élargissement de l’Union européenne, pour qu’elle pèse encore davantage dans les affaires du monde et, d’abord, dans son voisinage immédiat, et la réforme institutionnelle interne pour que l’UE fonctionne plus vite, mieux et plus démocratiquement.

Sur ce dernier point, je dois – à quatre ans de distance – prolonger ma précédente analyse sur le rôle et l’action des socialistes en Europe et sur la nécessité pour eux de constituer une force plus structurée, plus homogène, avec des actions et des mots d’ordre communs dans tout l’espace de l’Union européenne et au-delà (5). Les socialistes européens n’ont guère avancé dans cette nécessaire intégration interne renforcée. Ils ne sont pas parvenus à coordonner les agendas de leurs différents partis nationaux pour structurer et organiser un manifeste commun qui soient vraiment l’émanation des travaux de toutes leurs composantes. Ils ne sont pas non plus parvenus à installer avant l’été 2023 leur « Spitzenkandidat », qui avait pourtant contribué en 2014 à bousculer le Conseil européen, au point de contraindre ce dernier à accepter avec réticence, pour la présidence de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker pour éviter le spectre de Martin Schulz !

La lutte contre le populisme, les forces de droite extrême et l’esprit anti-européen doit être conduite et menée au niveau européen comme dans chacun des Etats membres, frontalement et fortement. Le Parti socialiste européen (PSE) doit être le vecteur européen de ce combat, et chacun de nos partis dans son pays doit avoir pour tâche de décliner la plate-forme socialiste européenne pour une Union européenne plus large, plus démocratique, plus active dans la vie quotidienne des Européens. Cela suppose que les socialistes dans chacun des pays conduisent par eux-mêmes et sous leur propre couleur les listes socialistes.

Au-delà des élections de juin 2024, qui sont un moment important de la mobilisation citoyenne pour l’Europe, les socialistes européens doivent développer un agenda propre et conduire ensemble des campagnes et des mobilisations thématiques dans chacun de nos pays, en partenariat avec les organisations syndicales de la Confédération européenne des syndicats et la société civile des plates-formes associatives et d’ONGs.

Il faut aujourd’hui, partout en Europe, mener la bataille politique, idéologique et culturelle contre la droite extrême, le populisme et le racisme !

(1)Timothy Garton Ash, Ivan Krastev, Mark Leonard, « Vivre dans un monde à la carte : les leçons de l’opinion publique mondiale pour les décideurs politiques », ECFR Policy Brief, 15 novembre 2023 ;

(2) Céline Charveriat, « Le Pacte Vert : origines et évolution », GREEN (Géopolitique, réseau, énergie, environnement, nature) n°3 Hiver 2023 (parution en décembre 2022), revue semestrielle du Groupe d’études géopolitiques / ENS ;

(3) William Desmonts, « Pourquoi l’avenir de l’Europe semble sombre », La Grande Conversation, 13 juin 2023, 15 pages, Terra Nova éditeur ;

(4) Parmi celles-ci, citons notamment le rapport des douze experts franco-allemands : Cf. Report of the Franco-German Working Group on EU Institutional Reform, « Sailing on High Seas : Reforming and Enlarging the EU for the 21st Century », Paris-Berlin, 18 September 2023, MEAE, septembre 2023 ;

(5) Maurice Braud, « Regard engagé d’un socialiste français sur les élections européennes de 2019 et la situation politique qui en est issue », L’Europe en formation. Revue d’études sur la construction européenne et le fédéralisme, n°390, 61è année, Printemps-Eté 2020, pp. 5-15

Ce billet a été initialement publié dans le numéro 104-105 de Recherche Socialiste (juillet – décembre 2023).