– 28 janvier 2021 –
Jacques Fath, ancien responsable des Relations internationales du PCF (2006-2013), est toujours un observateur attentif des relations internationales, et ouvrages après articles il nous alerte de plus en plus fortement sur les évolutions et mutations des relations internationales et sur les risques accentués de conflits et de guerres.
Son dernier ouvrage précise encore ces craintes, à partir d’une analyse serrée des événements, l’appel à des sources publiques et ouvertes mais rarement pleinement utilisées, et selon une articulation qu’il faut prendre le temps d’évoquer. Il observe une course plus accentuée que jamais aux armements dans le monde, avec la mobilisation de ressources colossales pour maintenir et augmenter éventuellement cet effort. Il souligne aussi le travail de « militarisation » des esprits et des politiques, la pandémie actuelle renforçant cet aspect (c’est Emmanuel Macron qui, dès mars 2020, parle de « guerre » contre le virus, et il n’y a que le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, président de la République fédérale d’Allemagne, pour dire publiquement en avril 2020 qu’il ne s’agit pas d’une guerre mais « d’un test d’humanité » !). Il met en exergue le rôle néfaste joué par les Etats-Unis d’Amérique durant le mandat de D. Trump. En effet, l’éventuelle perte du leadership mondial est pour les Etats-Unis d’Amérique une crainte déjà ancienne mais l’Administration Trump a répondu à ce défi avec plus de brutalité et d’unilatéralisme que les précédentes. Pour Jacques Fath, ce changement de rapport de forces dans l’ordre international issu de la fin de la Seconde guerre mondiale, avec notamment la puissance nouvelle des pays d’Asie et particulièrement de la Chine, et l’aspiration légitime de ces pays à jouer un rôle grandissant dans les affaires du monde, génèrent en retour un mouvement d’inquiétude des Etats-Unis d’abord, mais de tous le Vieux Monde et de l’Europe, France incluse. Cette thèse n’est pas complètement fausse, de nombreuses forces aux Etats-Unis comme dans chacun de nos pays européens appuient concrètement une telle vision du monde.
Les profonds changements dans les relations internationales et dans l’équilibre des forces sont incontestables et nous conduisent à une mutation de ce qui, précédemment, faisait système. Mais il n’y a pas seulement une confrontation Chine/US, avec des forces satellites autour de chacun d’eux (Russie et Iran côté Chine, pays européens côté US), qui prendrait la place de l’affrontement de la Guerre froide URSS/US. Si le temps de « l’hyper-puissance » américaine semble être passé, de nombreux autres acteurs émergent, pas seulement étatiques, et qui chercheront aussi à jouer un rôle dans ce « concert » international. L’enjeu du désarmement et de la baisse de tension dans les relations internationales devient en effet majeur. Nos pays européens, dont la France, ont une action aussi coordonnée que possible à mener dans ce contexte, il faut le souligner, mais au nom de leurs valeurs propres (droits humains et des peuples, démocratie,..).
Le cri d’inquiétude ou d’angoisse de Jacques Fath face à la marche actuelle du monde a – hélas ! – de solides fondements. L’ensemble des informations et éléments qu’il apporte à sa démonstration sont particulièrement pertinents. Mais l’avenir est ouvert, et il sera ce que nous-mêmes et celles et ceux qui viendront après nous saurons en faire. Il suppose clarté dans la perspective, l’ouvrage de Jacques Fath apporte une contribution en ce sens, mais aussi organisation, détermination et ténacité dans le temps.
Ce billet a été initialement publié dans le numéro de janvier 2021 de L’OURS, journal mensuel de critique politique et culturelle.