– 12 février 2024 –
A la fin du XIXè siècle, Jean Jaurès à la Chambre des Députés, puis Léon Blum dans un article de la Revue blanche, avaient justement et fortement mis en cause et argumenté contre ce que l’on appelait alors à gauche « les lois scélérates » qui prétendaient réprimer les « menaces » anarchistes, mais qui surtout et de fait restreignaient considérablement les libertés d’expression et d’opinion à travers tout un arsenal de sanctions et de peines.
En fin d’année 2023, le Parlement français (Assemblée nationale et Sénat) a adopté une nouvelle loi censée « contrôler l’immigration » et « améliorer l’intégration ». Depuis des décennies, année après année, les textes de loi se sont multipliés, toujours pour limiter voire stopper l’immigration et assurer une meilleure intégration. En réalité, on stigmatise à chaque fois encore davantage une catégorie particulière, celle des étrangers ou d’origine étrangère, accréditant l’idée qu’il s’agirait d’une catégorie a priori plus dangereuse. C’est la raison pour laquelle, à l’instar de Jaurès et de Blum en leur temps, je considère que cette loi est, elle aussi, « scélérate ».
Elle remet en cause le « droit du sol » que la Révolution française avait formalisé dès 1790 et que la IIIè République avait tenté d’inscrire dans le marbre en 1889. Une personne née en France de parents étrangers ne deviendra plus automatiquement française à sa majorité, il lui faudra en faire la demande en amont, entre ses 16 et 18 ans. Les binationaux pourront être déchus de la nationalité française en certains cas. La binationalité serait-elle, par elle-même, dangereuse ? Avoir dans ses rangs de nombreux binationaux, n’est-ce pas pour la nation toute entière un facteur de rayonnement dans le reste du monde, un atout pour notre langue et notre culture, une ouverture et un enrichissement collectifs ?
Cette loi fait de l’immigré et de sa famille des indésirables, tant elle limite l’accès aux allocations familiales et la possibilité du regroupement familial. Il n’est pas un travailleur comme un autre. Il doit travailler, payer ses cotisations sociales et ses impôts, mais cela ne lui ouvre pas les mêmes droits : vivre avec sa famille et ses enfants, bénéficier des mêmes prestations et droits. Sa force et sa capacité de travail, seules, sont prises en compte, aussi les préfets disposeront-ils du pouvoir discrétionnaire d’accorder des titres de séjour.
Pourquoi, aujourd’hui et maintenant, proposer au débat parlementaire un tel projet restreignant de fait les modalités de l’immigration sans faciliter réellement l’intégration ? L’opinion, paraît-il, le demande. Ne peut-on pas prendre le temps d’expliquer et de convaincre nos concitoyennes et nos concitoyens que pour de nombreuses fonctions, nos services, notre agriculture ainsi que nos commerces et industries ont besoin de travailleuses et de travailleurs, et que tout cela participe du développement de notre pays ?
Emmanuel Macron et le nouveau gouvernement prétendent s’opposer aux idées du Rassemblement national. Cela ne se peut en reprenant les thèmes et le concours des parlementaires RN.
Il faut aujourd’hui en France un sursaut républicain et de gauche pour construire une véritable alternative politique à la droite extrême qui vient !
Ce billet a été initialement publié dans le numéro de février de Vivre Ensemble, le magazine municipal de la ville de Créteil.