– 11 août 2020 –
Une première version de cet hommage a été diffusée aux membres et amis de l’Association Jean Monnet via la « newsletter » de cette association, dont Robert Toulemon fut président au milieu des années 90.
J’ai appris avec émotion la disparition de Robert Toulemon, le 5 juillet dernier. Enarque, Robert fut parmi les (rares) hauts fonctionnaires français de sa génération à faire le choix alors courageux de partir à Bruxelles au début des années 60 pour diriger le cabinet du vice-président de la Commission Robert Marjolin, puis celui d’Altiero Spinelli. Il revint en France au cours des années 70, pour diriger notamment le cabinet de Pierre Abelin, ministre de la Coopération. Son vieil ami Stéphane Hessel a évoqué cet épisode dans ses souvenirs, soulignant l’orientation nouvelle que voulait donner alors la petite équipe autour du ministre pour donner un nouveau cours (finalement interrompu) à la politique de coopération de la France avec ses anciennes colonies (1). Toujours très actif professionnellement à l’Inspection générale des Finances, il crée alors l’AFEUR, qui sera en France l’un des premiers « think tanks », dirait-on aujourd’hui, d’études et d’animation sur les thématiques européennes. Il est alors infatigable, dans tous les mouvements et associations qui évoquent un tant soit peu les questions européennes, toujours incisif et pertinent. C’est au cours de ces années-là que nous nous sommes les premières fois rencontrés. Nous n’étions pas tout-à-fait sur la même rive du fleuve, mais l’un et l’autre nous souhaitions qu’il puisse élargir son lit et aller jusqu’à la mer sûrement. J’ai admiré alors, et appris, combien la ténacité farouche combinée avec un grand pragmatisme permet souvent de faire avancer pas-à-pas mais efficacement des projets qui, de prime abord, apparaissent hors de portée. Pour cette grande leçon, merci à tout jamais, Cher Robert.
Robert Toulemon fut en effet un militant fédéraliste européen comme il y en eut peu et tous azimuts, ignorant à dessein les querelles stériles entre les écoles et chapelles (2). Il ne se contenta pas, comme quelques-uns de ses amis centristes et chrétiens, de quelques tribunes ou déclarations publiques, il était de toutes les initiatives, petites et grandes, sans jamais se décourager par des résultats limités et des publics clairsemés. Et c’était là un singulier spectacle de voir cet homme, si calme et bien élevé, urbain mais parfois un peu emprunté, développer dans l’action une énergie militante bouillonnante digne du meilleur militant ouvrier !
Il fut aussi quelques années Président de l’Association Jean Monnet, sans cependant y trouver le cadre susceptible de mettre en œuvre l’action européenne et fédéraliste qu’il souhaitait. Ce fut, entre nous, un moment douloureux d’incompréhension. Mais le fil n’était pas et ne fut jamais rompu, et j’eus encore l’occasion de revenir rue d’Assas pour telle ou telle rencontre avec des amis de passage, toujours délicieusement accueilli par son épouse et lui-même. Lecteur et auditeur attentif, Robert a aussi beaucoup écrit pour l’Europe, de l’ouvrage de vulgarisation intelligente (3) à des contributions plus académiques ou encore sur son blog toulemon.blogspot.com . Pour comprendre et apprécier à sa juste valeur la richesse de son parcours et de son action, je recommande particulièrement et chaudement la lecture de ses mémoires, Souvenirs européens (1950-2005) (4).
Adieu, Cher Ami Robert, nous ne t’oublierons pas et nous tenterons au mieux, avec nos moyens, de poursuivre ce qui fut le grand combat de ta vie !
(1) Stéphane Hessel, Danse avec le siècle, Editions du Seuil, Paris 2007
(2) Cf. Jean-Francis Billion, « In Memoriam : Robert Toulemon (Périgord 1927 – Paris 2020) ; haut fonctionnaire, français et européen et militant fédéraliste », Fédéchoses. Pour le fédéralisme, n°185, juin 2020, pp.53-54
(3) Notamment Robert Toulemon, Aimer l’Europe, Editions Lignes de repères, 2007
(4) Robert Toulemon, Souvenirs européens (1950-2005), coll Carnet d’Europe, Presse fédéraliste, Lyon 2012