– 11 décembre 2019 –
Pascal Fontaine, La méthode communautaire. Entretien réalisé par Chantal Tauxe, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, collection « Débats et documents » n°10, Lausanne novembre 2018
A la fin de l’année 2018, dans la perspective des élections européennes du printemps 2019, la Fondation Jean Monnet pour l’Europe a publié dans la collection de ses brochures un entretien avec Pascal Fontaine particulièrement intéressant. Il se propose d’expliciter ce qu’était la démarche de Monnet pour parvenir à avancer en dépit des difficultés circonstancielles ou plus structurelles.
Il insiste sur le pragmatisme essentiel de la démarche : l’objet pratique et concret est d’organiser des liens aussi solides que possibles entre les anciens belligérants multiséculaires et des deux derniers conflits mondiaux, France et Allemagne particulièrement, et c’est ce souci premier qui est à la base des premières Communautés.
Dans un climat particulièrement anxiogène de sortie d’un conflit où tous les Etats européens sont encore à reconstruire, dans des économies de pénurie et de rationnement, en pleine Guerre froide avec la crainte d’une 3è guerre mondiale encore plus destructrice car atomique, en plein crise de Corée (où combattit un corps expéditionnaire français, dans le cadre d’un mandat ONU), Monnet propose de tendre la main au vaincu d’hier, l’Allemagne, pour créer une relation nouvelle fonder sur l’égalité entre les partenaires dans deux secteurs clefs, charbon et acier, mettant sur pied pour mettre en œuvre ces compétences communautaires démocratiquement déléguées puis administrées des institutions ad hoc et originales qui demeurent la matrice des institutions actuelles de l’Union européenne.
Construites sur le droit, ces institutions ne parviennent à fonctionner véritablement que par consensus et compromis, avec des procédures de vote et de décision précises mais complexes. Il s’agit en effet d’éviter qu’un ou plusieurs Etats membres se sentent minorés ou ignorés. Ce qui est une force relative – plus les Etats membres sont nombreux, moins un Etat est en mesure de s’isoler – se révèle parfois une faiblesse dans la relation directe avec les citoyens, particulièrement dans certains Etats membres. On le voit particulièrement en France, dont la culture politique est assez étrangère au compromis, ou au Royaume-Uni en voie de sortie. Aujourd’hui, cette logique de consensus dans les sommets et autres enceintes est peu intelligible et transparente pour des citoyens européens du XXIè siècle soucieux de participation, très informés et connectés.
Aujourd’hui, le club européen est constitué de 28 Etats membres, 27 sans le Royaume-Uni bientôt sans doute, mais plus de 30 avec les Etats candidats de l’ex-Yougoslavie qui n’ont pas d’autres perspectives que l’UE et que l’UE ne peut laisser à l’extérieur sans constituer sur ses marches un kyste à terme nécessairement malin. La méthode communautaire, propose Pascal Fontaine, doit s’appliquer aussi aux Sommets, au Conseil européen lui-même constitué des Chefs d’Etat et de gouvernement. Il faut en effet renouer avec l’enseignement de Monnet, ne pas retomber dans l’ordre post-westphalien et arrimer l’Union européenne au concept et à la pratique de la supranationalité, pour ensemble avec tous les Européens exercer en commun de nouvelles souverainetés dans les domaines nouveaux qui sont les enjeux du monde de demain : climat, migration, économie numérique et digitale, etc….
Cet article a été initialement publié dans L’OURS n°494 (janvier 2020).