– 7 juin 2021 –
Nous vivons une singulière période dans laquelle nos contemporains et concitoyens ont le sentiment d’être un peu perdus, comme si les valeurs et les repères d’antan n’avaient plus cours, n’étaient plus adaptés, voire détournés de leur sens premier. Ainsi, hésitons-nous désormais à utiliser le mot « réforme » tant il a été dévoyé, pour réaliser non plus un progrès et une avancée mais – à l’inverse – d’incontestables régressions.
Principes républicains ?
J’ai le même sentiment concernant le débat ouvert l’automne dernier lorsque le Président de la République, tout à sa dénonciation des « séparatismes », a voulu un projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». L’erreur est de considérer qu’il faut – lorsque surgit tel ou tel événement choquant l’opinion – y répondre, ici par une déclaration, là par une loi, alors même que le cadre juridique et pénal existe le plus souvent et que la solennité de l’expression se perd dans le bruit quotidien des chaînes d’information en continu. Il faut appliquer la loi, toute la loi, ne pas craindre la rigueur de celle-ci lorsqu’elle doit s’appliquer, particulièrement lorsqu’il s’agit de punir des actes de violence extrême, contre les agents et responsables de l’Etat comme contre les citoyens. Mais l’activité législative ne peut être la réponse adaptée à tous les manquements et dysfonctionnements. C’est aussi à nous, citoyens exigeants et responsables, qu’il appartient d’être vigilants, et d’abord envers nous-mêmes. La loi ne peut – non plus – être utilisée pour montrer du doigt, voire pour stigmatiser, une frange particulière de la population, pour son genre, son orientation sexuelle, sa prétendue origine ethnique, son appartenance spirituelle ou religieuse supposée. La République doit rassembler et unir tous les citoyens pour faire nation, pas les diviser !
Amortir la crise sociale
Car le danger devant nous est d’une autre nature et d’une autre ampleur. Avec la pandémie de la COVID et le chômage qui a considérablement cru avec elle, ce sont des milliers d’emplois et de ressources matérielles qui ont disparu, et nous sommes désormais face à une explosion de la précarité et des inégalités sociales. L’équipe municipale autour de Laurent Cathala fait le choix pour Créteil d’un budget d’investissement raisonné pour préparer demain et de solidarité, afin d’amortir autant que possible les effets de la crise. C’est cette démarche et cette politique contracycliques qu’ont retenues aussi les autorités européennes et la plupart des États membres, de gauche comme de droite, par l’emprunt et l’investissement, et maintenant les États-Unis d’Amérique et l’Administration Biden. A l’évidence, l’opposition municipale cristolienne ne comprend goutte à ces raisonnements pourtant simples, largement partagés dans les milieux académiques comme par celles et ceux qui décident de l’avenir de nos États. Elle préfère mettre l’accent sur d’autres sujets, dans une posture plus discutable.
Éthique de responsabilité
Guy Mollet, redevenu Secrétaire général du Parti socialiste (SFIO) après avoir dirigé le gouvernement français dans un contexte tourmenté (le plus long de la IVè République), s’interrogeait publiquement en décembre 1957 sur les déclarations et le comportement de la droite conservatrice de l’époque. Il se demandait si – par ses outrances – elle n’était pas « la droite la plus bête du monde », légitimant l’extrême-droite. Las, six mois plus tard, le « putsch » du 13 mai 1958 lui donnait raison ! Il fallut dans les circonstances que l’on sait le retour du Général de Gaulle, auquel il contribua, pour que la République ne soit pas durablement suspendue…
Dans la période difficile qui est la nôtre, j’invite à la retenue et à la responsabilité toutes celles et tous ceux qui sont attachés à nos institutions démocratiques et républicaines. Gardons-nous, à Créteil ou ailleurs, d’emprunter les oripeaux stupides et mensongers de ce qui était « la droite la plus bête du monde » !
Ce billet a été initialement publié dans une version plus courte dans le numéro de juin 2021 de Vivre Ensemble, le magazine municipal de la ville de Créteil.