À propos du récent Traité d’Aix-la-Chapelle

À propos du récent Traité d’Aix-la-Chapelle
30 janvier 2019 jojo23

30 janvier 2019 –

Le 22 janvier 2019, à l’occasion de l’anniversaire du Traité de l’Elysée (22 janvier 1963), le Président de la République française Emmanuel Macron et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne Angela Merkel ont souhaité symboliquement marquer leur volonté d’approfondir la relation entre nos deux pays par la signature d’un nouveau traité « sur la coopération et l’intégration franco-allemandes » dans une ville qui, elle aussi, résonne dans l’histoire commune des deux pays comme capitale impériale de Charlemagne.

Un approfondissement nécessaire et bienvenu

Pour ma part, je me réjouis de cet événement et de la volonté affichée par les responsables allemand et français d’approfondir encore la coopération entre nos deux pays dans une perspective d’intégration encore plus étroite. Tout cela doit cependant se construire dans une approche stratégique de moyen et long termes, pensée et assumée démocratiquement de part et d’autre. Je ne suis pas sûr que cela l’ait été en amont ou le soit réellement côté français. L’implication plus large des forces sociales et politiques est souhaitable pour préparer, organiser et ensuite avancer véritablement vers une telle convergence historique. Pour les sujets qui me concernent davantage, l’objectif affirmé dans ce nouveau traité d’approfondissement de la coopération en matière de politique étrangère, de défense, de sécurité extérieure et de développement me semble essentiel, mais il doit s’inscrire dans une perspective plus européenne qu’exclusivement franco-allemande, aussi – si la réforme du Conseil de sécurité des Nations-Unies est bien prioritaire, comme mentionnée à l’article 8 du nouveau traité – l’admission de la RFA comme membre permanent du Conseil de sécurité, elle, n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Elle répond sans doute à une préoccupation présente de l’administration allemande, mais aucunement au nécessaire rééquilibrage des rapports de forces au sein du Conseil de sécurité entre puissances établies et puissances émergentes dans le monde, et elle n’assure pas de surcroît la présence en tant que tel de l’acteur européen qu’il faut faire émerger dans les affaires du monde : l’Union européenne.

Brexit : l’échec d’une Entente que nous n’avons pas sue défendre et promouvoir

En début d’année 2019, les images s’entrechoquent, entre d’un côté ce nouveau traité et de l’autre le Royaume-Uni, l’allié démocratique grâce auquel la France et l’Europe ont pu se libérer du fascisme et de la haine, qui se perd dans un débat interne sur les modalités de sa sortie de l’Union européenne. J’ai dit ailleurs1 combien nous devons être tristes de cette séparation, dont les conséquences seront préjudiciables pour tous. Le Royaume-Uni est un État européen, qui le restera après son retrait de l’UE, mais ce retrait et le référendum de juin 2016 signent un échec, dont nous portons aussi la responsabilité. À plus de 40 ans de distance, il fait regretter que l’entrée dans l’UE du Royaume-Uni n’ait pas été soutenue et accompagnée en France par un traité du type de celui de l’Élysée entre la France et l’Allemagne, il fait regretter aujourd’hui, alors que nos États – mais aussi nos peuples – vont s’éloigner avec ce retrait, que nos responsables et dirigeants comme nos forces démocratiques ne soient pas plus volontaires et déterminés pour un traité bilatéral scellant nos liens historiques et si emblématiques pour la démocratie dans le monde, alors que nous avons su être unis et lutter ensemble à travers deux guerres mondiales…

Demandons un acte solennel qui affirme avec force l’amitié entre nos deux Etats et nos deux peuples pour la paix et les valeurs démocratiques, œuvrons concrètement à l’approfondissement de la relation entre la France et le Royaume-Uni, créons les outils d’aujourd’hui pour que nos peuples coopèrent et s’intègrent davantage !

Au-delà de la relation franco-allemande, développer et renforcer la relation bilatérale avec tous les autres Etats membres

Si, après des guerres fratricides il est important d’honorer celles et ceux qui ont contribué à l’amitié entre la France et l’Allemagne, de célébrer les grands moments de celle-ci, de l’approfondir et de la compléter par un nouveau traité, il faut surtout s’en inspirer pour renforcer nos relations avec les autres peuples, voisins ou non, avant que ne surgissent des incompréhensions voire des différends, préludes à des conflits demain. De ce point de vue, l’acquis du Traité de l’Elysée et des dispositifs qu’il a mis en œuvre demeure exceptionnel et exemplaire. Il l’est sans aucun doute au regard de l’histoire, mais il doit l’être aussi plus concrètement pour constituer et développer des liens forts entre tous les Etats membres, particulièrement avec ceux où s’installent peu-à-peu des incompréhensions qui deviennent chicanes, railleries et attaques verbales réciproques (Hongrie, Pologne, …). Il ne s’agit pas de céder sur les règles et les valeurs communes à la base de l’Union européenne, nous les avons en partage, et – tous !- nous nous devons de les respecter. En revanche, considérant que les autorités exécutives et les majorités parlementaires des différents Etats passent, il nous faut avec volontarisme et sans préjugés créer les conditions durables d’échanges et de compréhension entre nos peuples. Sans cet effort nécessaire, qui doit être devoir pour les autorités et responsables français, l’Union européenne ne sera plus qu’un agrégat d’Etats liés entre eux par une bureaucratie aveugle et des intérêts obscurs aux citoyens.

En cette année d’élections européennes de tous les dangers, célébrer l’anniversaire du Traité de l’Elysée, c’est affirmer la réconciliation entre tous les peuples européens, c’est exiger de nos autorités et de nos responsables un renforcement sans précédent des moyens pour le dialogue bilatéral entre tous les Etats membres !